Hong Kong finance

Hong Kong redevient un centre financier incontournable malgré les tensions politiques

juillet 10, 2025 Par Bizchine

Hong Kong domine les IPO mondiales au premier semestre 2025, avec 13,9 milliards de dollars levés, malgré un climat politique sous surveillance.

Hong Kong, qui avait perdu de son attrait financier à la suite des manifestations de 2019 et des restrictions liées au Covid, connaît un regain spectaculaire. En 2025, la ville s’impose comme la première place boursière mondiale pour les introductions en bourse, avec près de 14 milliards de dollars levés au premier semestre. Ce retour en force s’inscrit dans un contexte politique tendu, marqué par l’application stricte de la loi sur la sécurité nationale. Malgré cela, Hong Kong reste une destination centrale pour les flux financiers, profitant de sa monnaie liée au dollar américain, de l’absence de contrôle des capitaux et d’un régime fiscal attractif. Le centre financier s’adapte aussi à la montée en puissance de la Chine continentale et aux tensions sino-américaines, en attirant notamment des entreprises chinoises exclues des marchés américains.

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La reprise des IPO à Hong Kong marque un tournant économique majeur

Au premier semestre 2025, Hong Kong est redevenue la première place mondiale pour les introductions en bourse (IPO), dépassant les bourses de New York et du Nasdaq. Selon un rapport publié par KPMG, les 44 IPO réalisées sur la place boursière de Hong Kong ont permis de lever environ 13,9 milliards de dollars (soit près de 12,8 milliards d’euros). Ce montant représente une augmentation de plus de 700 % par rapport à la même période en 2024, où les IPO ne dépassaient pas les 1,7 milliard de dollars.

Ce rebond s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, les restrictions sanitaires ayant pesé lourdement sur l’économie locale ont été levées depuis mars 2023, permettant une reprise des flux économiques. Ensuite, les entreprises chinoises, confrontées à des limitations croissantes sur les marchés américains, privilégient désormais Hong Kong pour accéder aux capitaux internationaux. C’est le cas du fabricant de batteries pour véhicules électriques CATL, qui a procédé à une introduction conjointe à Shenzhen et Hong Kong, tout comme la société de mode Shein, qui envisage de suivre la même voie.

Enfin, le Hong Kong Exchanges and Clearing Limited (HKEX) a simplifié les processus de cotation pour les entreprises du secteur technologique et des biotechnologies, rendant la place plus attractive pour les sociétés innovantes. La multiplication des listings A-H (entre la Chine continentale et Hong Kong) renforce cette dynamique.

Dans ce contexte, le retour de Hong Kong sur le devant de la scène financière mondiale est significatif. Il démontre une capacité de résilience face à des années de tensions politiques, de ralentissement économique et d’isolement sanitaire. Cependant, ce succès apparent masque une réalité plus complexe sur le plan politique et diplomatique.

Les tensions politiques modifient profondément le climat des affaires

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale en 2020, le paysage juridique et politique de Hong Kong a été profondément transformé. Initialement justifiée par Pékin pour rétablir la stabilité après les mouvements de contestation pro-démocratie de 2019, cette loi a entraîné de nombreuses arrestations, la censure de la presse indépendante et une réduction drastique de la liberté d’expression.

Les conséquences de ce durcissement sont multiples. Sur le plan économique, les multinationales et cabinets internationaux sont de plus en plus nombreux à adapter leur présence ou à réduire leur exposition à la région. Par exemple, Latham & Watkins, l’un des plus grands cabinets juridiques du monde, a coupé l’accès automatique à ses bases de données internationales pour ses employés basés à Hong Kong, en réaction aux nouvelles réglementations sur la protection des données introduites par Pékin.

Des modifications subtiles dans la documentation légale des IPO ont également été observées. Des expressions comme « risques liés à l’activité en Chine » ont été remplacées par des formulations plus neutres du type « dans le pays où nous opérons », afin de respecter les nouvelles règles interdisant tout langage pouvant être interprété comme critique envers le gouvernement chinois.

Sur le plan humain, certains expatriés choisissent de scolariser leurs enfants à l’étranger, craignant qu’un contenu jugé subversif en ligne puisse entraîner des poursuites. Même dans les clubs privés fréquentés par les élites économiques, les discussions politiques sont devenues discrètes, preuve d’un climat de surveillance diffuse.

Ce glissement progressif de Hong Kong vers un système plus proche de celui de la Chine continentale a également des effets sur les perceptions extérieures. Là où Hong Kong était autrefois perçue comme un pont entre l’Occident et la Chine, elle est aujourd’hui souvent considérée comme une extension réglementaire de Pékin, ce qui remet en cause sa position privilégiée sur la scène mondiale.

Des transformations sociales et géopolitiques en cours

En parallèle des bouleversements économiques et politiques, la composition démographique de Hong Kong évolue rapidement. Les Britanniques, historiquement très présents, sont de moins en moins nombreux. Ils sont progressivement remplacés par des professionnels qualifiés venus du continent chinois, souvent attirés par les nouvelles politiques migratoires mises en place par le gouvernement local pour accroître la compétitivité.

Par ailleurs, le gouvernement hongkongais cherche à diversifier ses partenariats internationaux, notamment en direction du Golfe. En 2024, Cathay Pacific a ouvert une liaison directe entre Hong Kong et Riyad. De son côté, le Asian Financial Forum, un événement phare soutenu par l’État, a consacré une session entière aux pays membres du Gulf Cooperation Council (GCC), témoignant de l’intérêt stratégique croissant pour cette région.

Le territoire s’ouvre également à d’autres partenaires géopolitiques. En mars 2025, un supermarché russe a ouvert ses portes à Hong Kong, avec des produits comme des bouteilles de vodka en forme d’AK-47, reflétant un changement des priorités diplomatiques. Dans le même temps, des mesures d’assouplissement ont été prises pour faciliter l’immigration de professionnels du sud-est asiatique.

Enfin, Hong Kong joue un rôle de laboratoire économique pour la Chine continentale. Alors que l’usage des cryptoactifs reste restreint sur le continent, Hong Kong se positionne comme un hub des actifs numériques. Des soirées de promotion crypto rassemblant des investisseurs privés et des fonds importants témoignent de l’intérêt spéculatif pour ce marché, avec le soutien implicite des autorités locales.

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Perspectives à moyen terme et incertitudes géopolitiques

Malgré ce regain d’activité, les incertitudes demeurent nombreuses. L’un des enjeux majeurs est la question de Taïwan. De nombreux expatriés vivant à Hong Kong disposent d’un plan de repli en cas de conflit. Certains évoquent un départ vers la Nouvelle-Zélande, le sud de la France, ou le Royaume-Uni. Ce réflexe témoigne d’un climat d’instabilité latent, alimenté par la dégradation des relations entre la Chine et les pays occidentaux.

D’un point de vue économique, la dépendance croissante de Hong Kong aux flux financiers en provenance de la Chine continentale pourrait se transformer en fragilité. Si Pékin décidait de restreindre ou d’encadrer plus strictement ces mouvements, la place hongkongaise en subirait les conséquences directes.

Autre sujet de préoccupation, l’intervention de l’État chinois dans certaines opérations commerciales. Le refus de Pékin d’autoriser la vente de ports opérés par le conglomérat CK Hutchison – incluant deux installations sur le canal de Panama – a inquiété les milieux financiers. Cette décision remet en cause l’autonomie économique que les acteurs du marché pensaient acquise, même dans des dossiers purement commerciaux.

En dépit de ces incertitudes, Hong Kong reste un point d’ancrage incontournable pour les flux de capitaux asiatiques. Sa monnaie liée au dollar américain, l’absence de contrôle des capitaux et un impôt sur le revenu plafonné à 15 % continuent d’attirer investisseurs et entreprises. D’ici 2026, plusieurs analystes estiment que la ville pourrait dépasser la Suisse en tant que première destination mondiale de la gestion de fortune transfrontalière.