Perspectives sur la Chine : Peut-on concilier objectifs climatiques et sécurité énergétique ?
septembre 12, 2022Ces deux dernières années ont rappelé à la Chine les risques de la dépendance aux combustibles fossiles. Alors que les combustibles fossiles ont alimenté son économie en croissance rapide, le pays a été laissé vulnérable à la volatilité des marchés du pétrole, du gaz et du charbon. En septembre 2021, la plupart des provinces chinoises ont connu des pannes d’électricité majeures, catalysées en partie par les perturbations des marchés du charbon. Le gouvernement chinois a imputé aux spéculateurs avides les prix élevés du charbon et les pénuries d’électricité qui en ont résulté, mais le problème était davantage lié à l’inefficacité du réseau et à la déconnexion entre le charbon déréglementé et les tarifs d’électricité réglementés. En février, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait grimper en flèche les prix du pétrole et du gaz naturel liquéfié, qui ont atteint respectivement 100 dollars le baril et 40 dollars le Mcf (1 000 pieds cubes). En tant que premier importateur mondial de pétrole et grand importateur de gaz, les perturbations économiques qui en ont résulté ont renforcé les préoccupations de la Chine en matière de sécurité énergétique – des préoccupations qui continueront à influencer ses politiques énergétiques pendant le reste de la décennie.
Cela signifie-t-il que la Chine va ralentir ses efforts de décarbonisation ? Si l’on se réfère aux récentes déclarations de Pékin, on pourrait répondre par l’affirmative. En mars, la Commission nationale du développement et de la réforme, l’agence centrale de planification de la Chine, a mis en garde les responsables provinciaux contre une mise en œuvre « trop simpliste et mécanique » des politiques climatiques. Toutefois, à l’examen, les politiques mises en œuvre par la Chine pour se sevrer de sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles pourraient également profiter à sa quête d’une plus grande sécurité énergétique.
« Plus la Chine pourra coupler ses initiatives en matière de climat avec ses initiatives en matière de sécurité, plus vite elle pourra récolter les avantages environnementaux et économiques d’un pays plus propre et plus durable. »
La Chine est le leader mondial du déploiement de la production éolienne et solaire. À mesure que ses investissements dans les énergies renouvelables se développeront au cours des vingt prochaines années, la Chine disposera d’une plus grande marge de manœuvre pour accélérer sa transition vers une économie moins dépendante du charbon. Dans le secteur des transports, elle a dépassé le reste du monde en termes de ventes de véhicules électriques, qui vont augmenter à mesure que les constructeurs automobiles seront confrontés à de nouvelles exigences réglementaires les obligeant à vendre des pourcentages toujours plus élevés de véhicules électriques. L’électrification des processus industriels et du chauffage des bâtiments fait l’objet d’une attention accrue, tant au niveau national que provincial. Toutes ces mesures permettront de réduire l’utilisation des combustibles fossiles, en particulier les importations de pétrole et de gaz naturel. Une Chine plus verte sera une Chine plus sûre sur le plan énergétique.
Dans Foundations for a Low-Carbon Energy System in China, un ouvrage récent que j’ai dirigé avec Daniel Schrag, professeur à Harvard, et dont les chapitres ont été rédigés par un groupe talentueux de jeunes universitaires, nous avons souligné que la capacité de la Chine à atteindre ses objectifs climatiques – et par extension ses objectifs en matière de sécurité énergétique – dépendait de la réforme de son secteur de l’électricité. Plus précisément, la Chine devra s’attaquer aux rigidités structurelles qui entravent actuellement son système électrique. Il s’agit notamment de structures de gouvernance obsolètes, d’un protocole de répartition inefficace qui entraîne une dépendance excessive à l’égard des installations de production les moins efficaces, et de politiques de tarification qui découragent les investissements dans les énergies renouvelables. En outre, il sera essentiel d’investir davantage dans la gestion de la demande, les services auxiliaires et le stockage afin que le réseau puisse continuer à fonctionner lorsque les générateurs renouvelables ne sont pas disponibles. La Chine devra également développer activement la capacité de capter et de séquestrer les émissions de carbone des installations au charbon qui ne seront pas mises hors service. Enfin, la Chine devra gérer les bouleversements humains qui se produisent lorsque les emplois de l’industrie des combustibles fossiles disparaissent. Une part disproportionnée de ces emplois se trouve dans quelques provinces qui ne disposent pas de la marge de manœuvre fiscale nécessaire pour offrir un filet de sécurité à ces travailleurs. Des efforts de coopération entre Pékin et les provinces à forte intensité de combustibles fossiles, comme le Shanxi et la Mongolie intérieure, pour recycler et relocaliser les travailleurs délocalisés seront nécessaires, tout comme de nouveaux investissements pour innover et déployer de nouvelles technologies propres.
Ces réformes ne mettront pas seulement la Chine sur la voie de la réalisation de ses objectifs climatiques, mais elles réduiront également sa dépendance à l’égard des importations de combustibles fossiles, rendant ainsi la Chine plus sûre sur le plan énergétique. Plus la Chine pourra coupler ses initiatives en matière de climat avec ses initiatives en matière de sécurité, plus vite elle pourra récolter les avantages environnementaux et économiques d’un pays plus propre et plus durable.
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